Par Édouard, ESPÉRANCE
Désormais, l’adresse des restes de l’arche de Noé semble être contestée. Si, selon la Bible les restes de l’arche se trouvent sur les Mont-Ararat, la commune de Lascahobas entend reconstituer l’histoire. En effet, dans cette commune, précisément à la localité de « Mât Bâtiment », des milliers de visiteurs haïtiens et étrangers défilent chaque année. Selon eux, la commune a l’heureux privilège de conserver les vestiges de l’arche de Noé. Tenant compte de son importance, ce site touristique pourrait être un atout majeur pour les habitants de la région. Allons à la découverte de ce site non exploité ayant rapport avec l’une des plus grandes histoires de la mythologie de la religion.
Comme il est écrit dans la Genèse, livre de la Bible, en raison de la méchanceté des hommes sur la terre, Dieu avait décidé de détruire tout ce qu’il avait créé (Chapitre 7 à 9). Il a ordonné à Noé, son fidèle serviteur, de construire une arche en bois pour y faire entrer sa famille et un couple de chaque espèce d’animaux, avant de déclencher sa colère. Tout compte fait, après 150 jours de pluie qui provoque un grand déluge qui a tout détruit, les eaux disparaissent et l’arche s’est reposée sur le Mont-Ararat, montagne mythique située en Arménie. Pourtant, les habitants de « Mât Bâtiment », réclament l’héritage des vestiges de ce grand évènement biblique depuis plusieurs générations. «Mât Bâtiment» veut dire en créole haïtien « Rès Batiman an », c’est-à-dire les débris du bâtiment. Cette dénomination suppose que l’arche de Noé y a été échouée, en raison de vestiges retrouvés sur les lieux.
Si certains visiteurs espèrent trouver des objets physiques ayant utilisé dans la construction de l’arche pour être convaincus, d’autres n’ont besoin d’aucune preuve.
Assis sur une pierre grisée, vêtu d’une chemise crème, d’un chapeau en paille et muni d’une machette suspendue à la ceinture d’un pantalon marron retroussé jusqu’aux genoux, Bernard Lethès, le diacre de l’Eglise de Dieu Bon Berger de «Mât Bâtiment» nous accompagne sur les lieux. « L’arche a été effectivement échouée ici. C’est une terre bénie, et nous sommes heureux d’habiter cette zone que Noé avait un jour touché. Je suis né et grandi là. A ma connaissance, il y avait des signes qui prouvent son existence », explique l’homme de Dieu avec assurance.
« On y trouvait trois grands blocs de marbre : l’un était placé sur cette
colline là où elle avait touché le sol pour la première fois. Par la suite, elle était patinée pour arriver jusqu’ici. Les deux autres étaient placés au milieu de cette petite fosse qui est l’endroit principal où elle s’était arrêtée définitivement. Il faut signaler également qu’il y avait un grand morceau de fer sur lequel l’année « 1947 » est visiblement inscrite. Mais les blancs sont venus ici en hélicoptère, ils les ont tous enlevés». A-t-il ajouté.
Pour sa part, Jean-Miscude Delva, Directeur de l’École Jean Paul II dans la zone, précise, que « c’est sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide en 1994 qu’on les a enlevés. Et, les paysans étaient payés pour aider les blancs à les extraire du sol».
Après cet enlèvement, les habitants conservent la fosse pour éviter la disparition totale des traces de l’arche.
La fosse est placée au pied d’une colline. Elle a une forme circulaire et mesure moins d’un mètre de profondeur et environ 8 mètres de large. Elle est munie au fond, d’herbes vertes et enjolivée par des bordures parsemées d’une rangée de pierres. Deux voies conduisent vers son centre : l’une placée à l’extrémité Est et l’autre au Nord-ouest. Deux petits palma-christi (communément appelé Mascriti) placés dans ses extrémités Ouest et Sud-est, joints à de géantes pierres grisées, semblent lui servir de protection.
Ici, c’est la valeur symbolique de cette toute petite fosse qui attire des milliers de visiteurs chaque année. Selon les informations recueillies, des milliers de visiteurs haïtiens et étrangers affluent chaque année à cette petite zone bénie. Parfois ils sont venus ici pour passer plusieurs jours de jeûne. Durant ces jours de prières, ils éparpillent dans tous les coins des jardins environnants pour prier. Ils peuvent être à plusieurs mètres de la fosse, mais l’essentiel c’est de ressentir une certaine interconnexion entre leurs esprits et son symbolisme. En ce qui a trait au nettoyage du site, tout le monde s’en occupe, même les enfants, selon un brigadier de la Mairie de Lascahobas, monsieur Élitaine Bernard.
Cependant, si les riverains ignorent toute forme d’utilisation de l’espace à des fins magiques, sous couvert de l’anonymat, une dame dans la cinquantaine informe « quand ils prient, nous ne savons pas ce qu’ils disent au fond de leurs cœurs, mais je n’ai jamais vu une bougie allumée, ni une bouteille déposée ici. Je vois tout simplement certains visages qui étaient venus prier une année avant et qui sont revenus remercier. Certains viennent des Etats-Unis ».
Du centre-ville à ce site touristique situé à la 1ère section communale Petit-Fond, il vous faut trois heures de marche. Les routes ne sont pas même aménagées pour aller à cheval, encore moins pour les véhicules. Sur le passage, on ne rencontre que des paysans au travail. Certains d’entre eux sont accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants.
Le sommet de cette chaine de montagne s’élève à 986 mètres. Le décor est exceptionnel en raison de la beauté et la diversité des paysages. Des deux cotés, les petites plaines battues et le flanc des collines sont entourés d’arbres, et des champs cultivés. Tous, entrelacés pour donner une végétation verdoyante et admirable. C’est là qu’on retrouve une grande communauté qui est prête à fournir aux visiteurs les informations au sujet de l’arche de Noé qui serait échouée dans la zone.
Mais, «Mât Bâtiment» ne fait-il pas partie des grands mythes construits dans l’histoire autour de certains lieux et de certaines personnalités?
Alors que le nombre de visiteurs d’ici et d’ailleurs ne cessent de visiter ce site annuellement, l’État haïtien semble ne pas encore comprendre ce qu’il pourrait représenter dans l’économie touristique du pays. A noter que «Ma bâtiment» n’est pas le seul site dont dispose Lascahobas. Gwo wòch, les forts anglais, grotte « Nan remi », Nan kafe, la Peigne, sont entre autres des sites pouvant attirer beaucoup de touristes. En attendant d’autres recherches plus poussées en histoire et en archéologie, Lascahobas pourrait entrer dans la légende à jamais.
Édouard ESPERANCE
Lascahobas, 1er mai 2020
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