Haïti-Justice: Les greffes des tribunaux, haut lieu de pratique de corruption
Après l’annonce de la grève des greffiers et des commis parquets exigeant de meilleures conditions de travail et des avantages financiers, l’agence de presse en ligne Haïti Post a rencontré certains acteurs du système judiciaire sur le fonctionnement des greffiers et leurs pratiques quotidiennes.
Un greffier (ou une greffière) est un officier de justice. Selon le système judiciaire auquel il est soumis, il détient différentes responsabilités comme: la plume du juge, le greffier est le seul habilité à délivrer des expéditions. Il est aussi responsable de la rédaction de tous les procès verbaux et des documents que le juge aura à poser sa signature.
À part d’être la plume du juge, le greffier est un comptable et gestionnaire de deniers publics. Ils perçoivent tous les frais généralement quelconques prévus par le tarif judiciaire et la loi. Ils doivent consigner ces perceptions dans un livre de caisse qui doit être visé par le doyen ou le président de la cour et le commissaire du Gouvernement.
Dans certains greffes que nous avons visités, il y a des taxes non prévus par la loi que les greffiers exigent et augmentent à leurs guises. Des frais de désistement qui s’élève à 5000 gourdes, des frais d’engagement pour 3000 gourdes, 10% sur les montants déposés à la greffe, de fortes sommes pour les constats pénaux, sont entre autres des pratiques qui s’apparentent à la corruption.
En effet, « les droits de greffe appartiennent pour moitié à l’État et pour moitié au Service d’entretien des cours et tribunaux », sauf « les amendes déposées pour la recevabilité des pourvois en cassation [qui] appartiennent, en totalité, à l’État en cas de rejet de ces recours ». De plus, il est fait obligation à tout greffier de tenir « un livre de caisse où il inscrit, par ordre de date et contre reçu, toutes les sommes qui lui sont versées, à quelque titre et pour quelque cause que ce soit ». Un relevé de ce livre de caisse doit être expédié au ministère de la Justice, pour être transmis à celui des Finances, pour le mois précédent et le greffier versera, à la caisse publique, la portion des droits revenant à l’État, lit-on dans un article publié dans le quotidien le nouvelliste apparu sous la plume Jhuan Vladmir Hans Mombrun.
Sur la question de reçu après une somme versée pour un service dans les greffes, des personnes qui fréquentent régulièrement les tribunaux de paix et les parquets du pays ignorent qu’ils ont droits à un reçu.
Selon Me Junior Sincère que nous avons rencontré au tribunal de la Croix-des-Missions, un reçu du tribunal vous est délivré seulement lorsque vous déposez une somme pour une personne. Le greffe prendra 10% sur la somme déposée et ce prélèvement n’y figure pas dans le reçu. Les prix fixés dans le tarif ne sont pas respectés bien qu’ils soient dépassés avance le jeune avocat.
Questionné sur le prix d’un constat, Me Sincère nous dit que le prix est fixé à 2000 gourdes dependamment de la distance, mais aucun greffier ne l’acceptera.
"Je travaille à la DGI depuis plus de cinq ans. Je n’ai jamais vu un greffier apporter les 50% des perceptions appartenant à l’Etat à la DGI", déclare un agent de la DGI de Tabarre qui requiert l’anonymat.
Questionné sur le livre de caisse que doit avoir les greffiers, un ex commissaire du Gouvernement et actuel juge et juge d’instruction nous informe qu’il n’a jamais vu ce cahier pendant sa carrière de magistrat.
Stevenson Jean Rony ARMAND