L’agence de presse en ligne Haïti Post dans sa parenthèse juridique a rencontré Me Louibenson LOUIS, avocat au Barreau de Port-au-Prince, pour un entretien sur l’OAVCT au regard de sa loi organique du 3 septembre 2003.
Haïti Post : Qu’est-ce que l’OAVCT ?
Me Louibenson LOUIS : L’Office Assurance Véhicules Contre Tiers (OAVCT) est une Entreprise Publique Créée par le Décret du 21 septembre 1967 et qui a pour mission d’exercer le monopole de l’Etat sur l’assurance des véhicules en Haïti. L’on a toujours tendance à réduire l’institution à une simple logique d’accident de circulation. Cependant, avec la loi organique du 3 septembre 2003 modifiant le décret sus-évoqué, la mission de l’OAVCT a été élargie. A côté du contrôle de l’assurance obligatoire des véhicules en circulation, l’institution s’occupe de l’émission de police d’assurance, de transfert de nom, du constat d’accident, du service ambulancier, de l’expertise des véhicules, etc. Outre cela, même si ce n’est pas prévu ni par le décret de 1967, ni par la loi de 2003, l’OAVCT est souvent sollicité dans presque tous les litiges touchant des vols ou des saisies de véhicules. Bref, placé sous la tutelle du Ministère de l’Economie et des Finances, l’OAVCT, avec sa « direction des opérations » s’occupant des affaires commerciales et sa « direction du suivi des accidents et expertises » consistant à assurer le suivi des accidents, est de droit, la seule entreprise de l’Etat s’occupant de la sécurité des usagers de la voie publique.
Haïti Post : A quelle catégorie de véhicules s’étend la police d’assurance de l’OAVCT ? Les Motocyclettes sont-elles concernées ?
Me Louibenson LOUIS : Je ne sais pas si dans la pratique on fait autre chose. Mais, ce qui est certain, c’est que la loi de 2003 fait de cette assurance une obligation pour tous les véhicules terrestres à moteur. L’article 5 stipule: « le contrat d’assurance est obligatoire pour tout véhicule à moteur circulant sur le territoire de la république et son renouvellement doit être fait au plus tard, le dernier jour de son expiration ». Et par l’expression ‘’véhicules à moteur’’, l’article 10 de la même loi ajoute : « […] par les véhicules à moteur, c’est-à-dire tout engin circulant au sol, mû par un combustible quelconque ou l’énergie hormis les tramways, les véhicules des chemins de fer et les véhicules de guerre ». Je crois que par le biais de ces articles, je réponds clairement à cette question.
Haiti Post : En cas d’accident d’un assuré de l’OAVCT, quelle doit être l’obligation de celui-ci ?
Me Louibenson Louis : Celui qui a été souscrit au contrat d’assurance de l’OAVCT jouit de tous les privilèges découlant de ce contrat. Cependant, sous peine d’être tenu personnellement responsable des dommages causés à autrui, l’assuré doit être en règle à son assureur au moment de l’accident. A ce stade, l’article 39 de la loi de 2003 donne des précisions importantes. L’assuré victime d’un accident doit :
– faire la preuve d’avoir payé régulièrement le montant des primes à la date d’échéance au siège social de l’institution ou à ses annexes-
-faire la preuve d’avoir notifié à l’OAVCT toute modification apportée au véhicule
-Notifier à l’OAVCT dans l’immédiat de l’accident, sauf cas de force majeure
-Transporter ou de faire transporter toute victime dans un centre hospitalier à la première occasion
Haiti post : En cas d’accident d’un assuré qui respecte ses obligations, comment l’OAVCT interviendra-t-il en termes d’appui financier ?
Me Louibenson LOUIS : La loi est claire là-dessus. Tout assuré impliqué dans un accident de circulation est assujetti au paiement à l’assureur d’un frais appelé indemnité, franchise ou déductible. Cela varie de 1000 gourdes à 2500 gourdes (le dernier extrême en cas de décès). Avec cette franchise –et d’ailleurs le nom le dit clairement –l’assuré est libéré de ses obligations. Tout le reste appartient à l’assureur (l’OAVCT) qui, suivant les dispositions des articles 60 à 67 de la loi de 2003, sera tenu de verser de 75000 à 25000 gourdes pour tout tout- terrain en fonction de son nombre d’années de service – 40000 à 15000 pour tout sedan privé et location – 65000 à 15000 pour tousminibus et camionnette public – 125000 a 40000 gourdes pour tout autobus et bus public – 125000 gourdes pour un camion, quel que soit le tonnage – 15000 gourdes a 5000 gourdes pour toute moto – jusqu’à concurrence de 75000 gourdes pour les dommages corporels et 100000 gourdes en cas de décès. Si au cours de l’accident une maison est endommagée, elle sera prise en compte si le propriétaire dispose d’un récépissé de la DGI attestant paiement de la contribution foncière des propriétés bâties.
Haiti post : l’OAVCT relève-t-il de la fonction publique ?
Me Louibenson Louis : Parmi les questions posées, cette question en est la plus courte, mais également la plus compliquée au fond. En effet, conformément à la loi du 6 septembre 1982 définissant l’administration nationale, l’OAVCT relève de l’administration publique et non de la fonction publique. Aussi, sa loi organique du 3 septembre 2003 fait de cette institution une entreprise publique. Or, le décret de 2005 portant révision du statut général de la fonction publique exclue le personnel des entreprises publiques de son champ d’application si l’on se réfère à l’article 11, alinéa k. Partant de ce qui précède, l’on pourrait dire que l’OAVCT ne relève aucunement de la fonction publique.
Mais, quel est le statut des employés de l’OAVCT ? faut-il les considérer comme de simples employés ? sont-ils couverts par le code du travail ? En cas de conflit entre l’OAVCT et un membre de son personnel, la CSCCA est-elle compétente ?
Pour répondre à ces interrogations, nous nous referons au rapport du conseiller instructeur de la CSCCA dans l’affaire opposant Monsieur Jean Yves Cadet à l’OAVCT.
En effet, Mr cadet a été nommé à l’OAVCT et a été révoqué en date du 10 aout 2018 pour abandon de poste. Il a exercé un recours devant la Cour en date du 29 octobre de la même année contre cette décision jugée illégale et arbitraire.
Contre ce recours, l’OAVCT a soulevé l’incompétence rationa et materiae de la CSCCA à connaitre du litige. Selon les avocats de l’institution, étant donné que l’institution est une entreprise publique conformément à sa loi organique, et vue que les entreprises publiques relèvent de l’administration publique et non de la fonction publique ; l’affaire doit être portée purement et simplement par devant le tribunal de droit commun compètent conformément aux dispositions de l’article 130 du décret du 17 mai 2005 disposant ceci : « les conflits qui peuvent naitre entre une entreprise publique et les personnes physiques ou morales sont du ressort des Tribunaux ordinaires ».
Quelle a été la décision de la cour ?
D’abord, la Cour a jugé nécessaire de ne pas considérer les employés de l’OAVCT comme de simples personnes physiques au sens de l’article 130 sus-parlé, mais plutôt comme des agents publics définis comme « toute personne physique faisant l’objet d’un acte de nomination ou d’un contrat de droit public afin d’exercer un emploi pour le compte d’une institution ou d’une personne publique de l’administration publique nationale ».
Ensuite, la Cours a compris que les employés de l’OAVCT ne font pas partie des employés dont parle l’article 488 du code du Travail et ne sont donc pas couverts par le code du travail.
Enfin, la cour a évoqué les articles 2 et 5 alinéa 2 du décret du 23 novembre 2005 établissant son fonctionnement qui disposent respectivement : « la Cour est une institution indépendante qui a pour mission de juger les actes de l’administrations publiques » et « elle a pour attributions de confirmer, reformer ou annuler les actes des responsables de l’administration publique non conforment aux lois et aux règlements ».
Par ces motifs, la Cour se déclarait compétente pour connaitre de l’affaire et de fait elle l’avait jugée.
Fort de tout ce qui précède, il s’ensuit qu’il y’a certaines contradictions d’ordre conceptuel au niveau des textes qu’il faut supprimer. Mais il est évident que le régime juridique de l’OAVCT fait de lui une institution relevant de la fonction publique. Et quoiqu’on puisse dire, cette interprétation de la Cour constitue une jurisprudence appelée à être évoquée à chaque fois qu’il est question de conflit entre l’OAVCT et un membre de son personnel.
Haïti Post : Voulez-vous faire un ajout Me ?
Me Louibenson Louis : Je dirais simplement aux gens que chaque véhicule en circulation dans le pays, même s’il détient une assurance privée, doit se faire assurer à l’OAVCT. C’est donc une manière commode de demander à ceux-là qui ne sont pas encore en règle d’aller se conformer. C’est la loi.
Ashley JEAN BAPTISTE